Comparaisons avec d’autres épidémies
(anonyme, relu et complété par François Bassaget)
De la grippe espagnole au Covid-19: chiffres et réflexions
Les enseignements de l’Histoire sur des pandémies comparables en France
Pour remettre quelques pendules à l’heure… que nous enseigne l’Histoire?
Pour notre génération d’aujourd’hui, cette épidémie mondiale est un événement encore jamais connu, jamais vécu.
Pourtant, en discutant avec mes parents, il apparaît que le monde en a déjà connu et pas seulement dans les siècles passés.
Nul besoin de remonter à la peste, au choléra ou encore à la grippe espagnole de 1918 (240 000 morts en France entre 50 et 100 millions dans le monde).
D’autres épidémies, ressemblant fortement au Coronavirus, ont frappé le monde en 1957 et en 1969.
En 1957, le monde connaît une pandémie nommée « grippe asiatique ». Mon père s’en souvient encore car toute sa famille (père, mère, 5 enfants) va alors rester couchée presque sans possibilité de se lever pendant plus de 15 jours. Cette « grippe asiatique » fera autour de 20°000 morts rien qu’en France et 2 millions de morts dans le monde.
En 1969, à nouveau venue d’Asie, la « grippe de Hong Kong » frappe le monde. Elle va faire 31°000 morts en France et 1 million de morts dans le monde.
Voici ce qu’un article du journal Libération disait de la situation en 1969:
« On n’avait pas le temps de sortir les morts. On les entassait dans une salle au fond du service de réanimation. Et on les évacuait quand on pouvait, dans la journée, le soir. »
Le professeur Dellamonica, aujourd’hui chef du service d’infectiologie du centre hospitalo-universitaire de Nice, a gardé des images fulgurantes de cette grippe dite « de Hongkong » qui a balayé la France au tournant de l’hiver 1969-1970. Âgé alors d’une vingtaine d’années, il travaillait comme externe dans le service de réanimation du professeur Jean Motin, à l’hôpital Édouard-Herriot de Lyon: « Les gens arrivaient en brancard, dans un état catastrophique. Ils mouraient d’hémorragie pulmonaire, les lèvres cyanosées, tout gris. Il y en avait de tous les âges, 20, 30, 40 ans et plus. Ça a duré dix à quinze jours, et puis ça s’est calmé. Et étrangement, on a oublié. »
Ce n’était pas au 12e siècle, c’était il y a 50 ans ! Étrangement on a oublié.
Encore plus étrange furent les traitements politiques et médiatiques qui en furent faits.
Alors que l’hôpital faisait face à une crise sanitaire majeure: afflux brutal de malades, impossibilité de les soigner, mortalité par dizaine de milliers, nul ou presque n’en parle.
La presse parle à l’époque de la mission Apollo sur la Lune, de la guerre du Vietnam, des suites de mai 1968… mais pas ou peu des dizaines de milliers de personnes qui meurent dans des hôpitaux surchargés. Pire, le monde continue de tourner, presque comme si de rien n’était.
Alors que nous enseigne l’Histoire ?
D’abord et c’est une bonne nouvelle, que nos sociétés en ont « connu d’autres » et qu’elles se remettent de ces épidémies. Malgré la mortalité de masse provoquée par elles, nous n’allons pas tous mourir et la vie gardera le dessus.
Ensuite, qu’en 50 ans, les progrès techniques ont profondément modifié notre société. En 1969 encore la mort de millions d’individus semblait une fatalité alors qu’aujourd’hui elle nous paraît juste inacceptable. Nous attendons de la science qu’elle puisse nous protéger de toutes ces maladies, les vaincre voire peut être un jour vaincre la mort elle-même. Je parle bien sûr pour nos sociétés occidentales car 100°000 morts nous paraissent un choc majeur et inacceptable en Europe ou en Amérique du Nord alors que personne ou presque ne semble hélas s’offusquer que le palu puisse tuer chaque année un demi-million de personnes en Afrique…
L’Histoire nous enseigne encore que nos exigences vis à vis de l’État ont beaucoup changé. Nous sommes désormais, et c’est le prix de l’État providence, dans une société qui « attend tout de l’État ». En 1969 personne n’attendait de Pompidou qu’il arrête la « grippe de Hong Kong » ou encore organise le confinement de la population pour sauver des vies. Aujourd’hui le moindre accident est nécessairement de la responsabilité d’une autorité publique et si l’on n’arrive pas à un résultat immédiat et satisfaisant, c’est forcément que les élites ont failli. Que l’on soit bien clair, je ne cherche à excuser personne et il est vrai que le niveau des impôts n’est pas le même qu’en 1969 donc le niveau d’exigence peut légitimement être plus élevé. Je pose juste des constats.
Enfin, l’Histoire nous enseigne que la sphère médiatique a beaucoup changé et influence terriblement le traitement des événements. En 1969 les médias étaient encore pour beaucoup sous le contrôle de l’État. Comme on ne pouvait pas arrêter la maladie on n’en parlait quasiment pas. Et la vie continuait tant bien que mal. À l’ère des chaînes d’info continue et des médias sociaux on ne parle plus que de la maladie, du traitement sanitaire, politique, économique. Tout devient très vite sujet à polémique et à scandale. Pire, on a l’impression que notre vision du monde se limite désormais à ce qui défile sur nos écrans. Et comme il n’y a plus que la maladie sur nos écrans on oublierait presque que la vie continue avec ce qu’elle a de plus merveilleux (l’amour par exemple, mais aussi la création, l’innovation…) mais aussi de pire (la haine, la violence, la criminalité, la bêtise…). Bref la saturation de l’info autour de la maladie fait qu’on a l’impression que le monde s’arrête et comme la conscience crée en partie la réalité, il semble vraiment s’arrêter.
Alors vous me direz « autres temps, autres traitements de la maladie et des événements ». Oui, vous avez raison et quelque part heureusement.
Ces enseignements de l’Histoire ne nous obligent pas à traiter les choses comme dans le passé. Bien au contraire.
Mais ces voix venues du passé nous disent néanmoins :
– que les épidémies ont toujours existé et existeront probablement toujours car elles ne sont pas issues de complots de savants fous manipulés par des militaires dans des labos secrets, mais simplement des virus qui font partie de la Nature, au même titre que nous.
– que l’on pourra déployer toute la science et posséder les meilleurs gouvernements du monde, il y aura toujours un événement naturel que nul n’avait prévu et que l’on ne pourra pas totalement éviter.
– qu’il faut toujours garder l’esprit positif car l’Humanité s’est toujours relevée de ces épidémies. La France s’en relèvera aussi et cela d’autant plus vite que nous saurons faire preuve de résilience et de fraternité dans l’épreuve.
Essayons donc de ne pas perdre nos nerfs et notre moral rivés sur le compteur des morts qui monopolise nos écrans, restons unis plutôt qu’à accuser déjà les uns et les autres, concentrons-nous sur les vies que l’on peut sauver chacun dans son rôle et à sa place, continuons de vivre, d’aimer, d’inventer car ni le monde ni la vie ne se sont arrêtés et profitons peut-être, pour ceux qui en ont, d’utiliser le temps pour imaginer le monde meilleur dans lequel nous voudrions vivre à la sortie de cette crise.
En rappel: les décès par grippes
|
| dans le monde | en France | % décès |
grippe espagnole | 1918-20 | 50-100 millions | 240 000 | 0.50% |
grippe asiatique | 1957-58 | 2 millions | 20 000 | 0,03% |
grippe de Hong-Kong | 1968-69 | 1 million | 31 000 | 0,04% |
grippe saisonnière | chaque année | 300-600 000 | 10 000 | 0,01% |
covid-19 | au 15.04.2020 | 120 000 | 17 000 | 0,02% |
Mortalité habituelle en France
. | décès/an | décès/mois | décès/jour | % |
pour 67 000 000 hab | 600 000 | 50 000 | 1700 | 1% |
cancers | 150 000 | 12 000 | 400 | 29% |
maladies de coeur | 140 000 | 12 000 | 400 | 24% |
tabac, alcool, drogues | 94 000 | 8 000 | 250 | 17% |
obsésité | 55 000 | 4 500 | 150 | 10% |
appareil resp | 37 000 | 3 000 | 100 | 6% |
accidents de la route | 5 000 | 400 | 15 | 1% |
Décès en France au mois de mars
mars 2018: 58 641 (grippe sévère)
mars 2019: 52 011
mars 2020: 57 441 (coronavirus)
Des profils de personnes admises en réanimation
55% plus de 65 ans
73% hommes
61% atteints d’une autre maladie
83% personnes en surpoids
Profils de personnes décédées
78% plus de 75 ans
33% en provenance d’Ehpad
2,4% de moins de 65 ans sans comorbidité
Dans les Ehpads, en situation « normale »
âge moyen 86 ans, durée moyen de séjour 3 ans (1/3 décès par an).