Des passions à retrouver
témoignage de Grégory Feroul
infirmier spécialisé en addictologie
exerçant en Haute-Loire
Une spirale infernale
« Il peut arriver qu’une addiction s’installe parce qu’on est piégé dans un contexte ou dans un environnement. Mais c’est extrêmement rare. La plupart du temps, il y a toujours une souffrance, une faille, un vide qu’on cherche à combler par un produit en automédication. La personne se retrouve ensuite coincée par l’accoutumance, piégée dans une dépendance. C’est le produit qui commande, et on continue à consommer pour ne pas souffrir. Ça devient une espèce de spirale infernale qui entraine dans toujours plus de consommation. Et la santé s’abime, car tous les produits sont dangereux et toxiques, et l’alcool est dans les pires.
Des produits de plus en plus accessibles
Peut-être que l’homme a toujours consommé des psychotropes depuis la nuit des temps. Mais la disponibilité était limitée en quantité et la consommation de drogues étaient souvent encadrée et limitée à certains moments dans le cadre de rituels. Mais aujourd’hui, la société encourage toutes les consommations, et même la disponibilité des produits toxiques a considérablement augmenté: on peut s’en procurer sans beaucoup de difficulté, sur internet par exemple. L’abondance de nourriture provoque souvent aussi des addictions. Dans notre société, on meurt plus facilement de trop ou mal manger que de manquer de nourriture. Il y a aussi des addictions sans produits, comme les jeux, le sexe ou les écrans. Et toutes les classes sociales sont concernées, qu’on soit sans foyer, classe moyenne, classe libérale, ou même star. La situation sociale ne protège pas.
Comment s’en sortir
Certains organismes sociaux se préoccupent de diminuer les risques, avec plus d’hygiène ou des produits moins dangereux de substitution. De mon côté, on propose d’abord un sevrage total du produit, puis quatre semaines d’accompagnement thérapeutique sans produit. Cet accompagnement est souvent indispensable. Mais peu importe le produit, il faut surtout considérer quel rapport on a avec lui, et quel manque il remplace.
Il faut ensuite obligatoirement opérer des changements dans sa vie. Il faut au moins bouleverser ses habitudes, abandonner les fréquentations et les lieux qui encourageaient la consommation.
Il est aussi essentiel que la personne retrouve des activités et des passions qui apportent le plaisir. Des activités qu’on a aimé, qu’on avait laissé tomber, ou dont on avait rêvé. Il faut aussi des activités psychocorporelles, ne serait-ce que la marche. Il faut que le corps retrouve de l’activité, d’autant que la consommation a pu l’abimer. Passer par le corps et le plaisir sont nécessaires.
Quoi qu’il en soit, c’est la personne qui sera seule à pouvoir décider. La personne réussit surtout quand il apparaît que c’était le bon moment dans son parcours de vie, pour qu’elle se décide réellement à changer de façon de vivre. C’est très complexe, et c’est pour cela que réussir n’est pas facile. De leur côté, les soignants ont aussi beaucoup de mal à rester longtemps dans ce secteur. Pour ma part, je n’y travaille qu’à mi-temps. Je fais un autre mi-temps d’activités agricoles et je pratique aussi beaucoup d’activités psychocorporelles. »
Grégory Feroul